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L'ancêtre de la guitare classique est un instrument à 4 chœurs (cordes doublées), à fond plat et en forme de 8, datant de la Renaissance. L'Espagne, la France et l'Italie en sont les foyers d'orgine et l'instrument y suit des évolutions parallèles jusqu'au tournant du XVIII° siècle, où la forme et la configuration actuelles fondées sur les 6 cordes simples accordées en mi-la-ré-sol-si-mi finissent par s'imposer. 

Jusqu'à la fin du XVIII° siècle, la guitare était principalement un instrument populaire d’accompagnement du chant. Les rares compositeurs sérieux et crédibles (Mudarra, Sanz, Corbetta,...) qui s'étaient risqués à écrire pour cet instrument butèrent sur les difficultés inhérentes à sa tessiture limitée et à son volume insuffisant. L'instrument est alors jugé soit trop "frêle" pour imposer la mélodie ou manquant d'ampleur pour faire sonner l'harmonie.

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Durant l'ère romantique plusieurs changements importants interviennent simultanément :

  • stabilisation des principes tonals -6 cordes simples accordées comme de nos jours
  • nouveaux compositeurs tournés vers la musique de concert
  • lutherie orientée vers la production d'instruments concertants

Une nouvelle ère s'ouvre donc avec des compositeurs-interprètes de talent (Carulli, Guiliani, Aguado, Sor) et des luthiers innovants (Pagès, Stauffer, Lacôte, Fabricatore et Panormo). La conjugaison de ces éléments va lancer la guitare à la conquête d'un nouveau statut d'instrument classique à part entière, capable de délivrer une musique dite sérieuse.

La découverte du principe du barrage en éventail qui va tant inspirer Torres, et après lui plusieurs générations de luthiers, est faite à cette époque. Il n'en demeure pas moins que les instruments de cette période possèdaient une structure fondamentalement différente de celle que nous connaissons aujourd'hui.

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La guitare trouve sa forme et ses principes de construction quasi-définitifs grâce à Antonio de Torres Jurado. Cet homme dont l'œuvre consiste en un peu plus de 300 instruments (moins d'une centaine nous sont parvenus) a rapidement établi les éléments fondamentaux qui perdurent jusqu'à nos jours :

  • expansion de la table d'harmonie et amincissement de son épaisseur
  • barrage en éventail renforçant la table accompagnant les barres transversales
  • élargissement du manche et assemblage de celui-ci au moyen du talon espagnol
  • allongement du diapason à environ 65 cm
  • chevalet de forme simple à sillet sur lequel les cordes sont nouées
  • principes d'assemblage des différents éléments
  • abandon des éléments de décoration sur la surface vibrante
  • méthode de construction et d'assemblage

Quand bien même que certaines de ces innovations prises isolément soient appurues antérieurement à Torres et ne puissent lui être directement attribuées, il reste  incontestablement l'architecte ultime de l'instrument moderne basé sur l'association de ces éléments. Ce sont ces caractéristiques conjugées qui permettront à l'instrument de se hisser au bon niveau et d'atteindre des capacités d'expression artistique comparables à des instruments nobles tels que le piano ou le violon. De plus, tel un véritable chercheur insatiable, cet homme solitaire a continuellement poussé les limites de l'expérimentation en explorant de très nombreuses variantes (poids, épaisseurs, densités, disposition des barres, forme de la table, essences de bois pour la caisse). Les différentes variantes obtenues seront pour des générations de luthiers après lui une source d'inspiration et un puissant catalyseur de leur créativité.

Peu d'innovations postérieures à Torres, à l'exception de l'usage du cèdre comme alternative à l'épicéa pour la table d'harmonie (José Ramirez III) et le remplacement des cordes en boyau par du nylon (Augustine) ont pris une portée universelle après lui. Sa véritable grandeur provient du fait que, malgré son extrême dénuement matériel qui lui interdisait l'accès à des matériaux dignes de son talent, il a hissé l'instrument à un niveau sonore incomparable par rapport aux oeuvres de ses prédécesseurs. La révolution qu'il a accomplie correspond à un changement de paradigme tel que l'invention de la perspective par les peintres de la Renaissance Italienne. Il transforme profondément le rendu sonore plat, monocorde et comprimé des guitares romantiques, en lui ajoutant profondeur, richesse harmonique, élargissement du spectre tonal et équilibre des registres que même un auditeur profane ne peut manquer de remarquer.

Dans son sillage, trois générations de luthiers, depuis J.Ramirez I jusqu'à F.Simplicio et plus tard H.Hauser I, imposent et parfont ce modèle toujours d'actualité jusqu'à nos jours.

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Cette époque marque un tournant fondamental dans l'histoire de l'instrument. L'adoption des cordes en nylon par Andrès Segovia, son association avec Jose Ramirez III et Ignacio Fleta (accroissement du volume de la caisse et du volume sonore) sont des points d'ancrage extrêmement importants qui rendent la guitare plus adaptée à la performance en grande salle de concert, au prix d'une plus grande difficulté de maniement d'instruments devenus plus lourds et plus encombrants. La technique guitaristique fait de très grands progrès durant cette époque bénie et le nombre de guitaristes professionnels s'envole littéralement. L'offre de guitares de concert de haute qualité suit bien évidemment une évolution parallèle.

Parallèlement, l'éclosion d'une nouvelle génération de guitaristes à très forte personnalité (J.Bream, J.Williams, N.Yepes,...) voulant chacun se démarquer et affirmer haut et fort sa personnalité donne une très forte impulsion à la créativité des luthiers. Bien que la plupart des innovations de l'époque n'eurent qu'une influence que l'on peut qualifier d'évanescente, ce foisonnement a permis d'éprouver le modèle Torres et de le pousser aux limites.

Voici quelques exemples d'innovations qui ont émergé alors, sans toutefois trouver une vraie consécration à travers leur adoption généralisée par la génération de luthiers qui a suivi :

  • diapason de 664 mm (Ramirez III)
  • joint manche-caisse en queue d'aronde (Fleta I)
  • double table / fond (Contreras I)
  • accroissement du nombre de cordes (Ramirez III / Yepes)
  • dégagement de la bouche pour accroître la surface résonnante de la table (Schneider)
  • système de barrage rayonnant / asymétrique (Kasha-Schneider)
  • chevalet asymétrique (Kasha-Schneider)
  • réorganisation de l'atelier de lutherie pour en augmenter la productivité (Ramirez III)

Loin de moi l'idée de suggérer que ces innovations sont dénuées de mérite. En réalité, chacune apporte une amélioration sensible à l'une ou l'autre des qualités de l'instrument. Il reste que chacune de ces améliorations s'est accompagnée d'effets secondaires indésirables et ainsi, aucune n'a pu apparaître avec le recul comme la panacée.


Suivra une décennie de crise, qui sera marquée par la perte du monopole de fait qu'exerçait la maison Ramirez sur cette industrie et l'essoufflement de son modèle. L"impressionnante augmentation des volumes produits (jusqu'à 1000 instruments de concert par an) avait débouché sur une perte de contrôle sur la qualité et entraîné la dégradation de son image de marque.

Nous assistons pourtant depuis la fin des années 80 à un renouveau très significatif marqué autant par l'innovation (Gilbert, Humphrey, Smallman, Dammann), que par le retour aux sources (Rubio, Romanillos, Elliott) et la concécration de quelques rares "inclassables"  (Friederich, Ruck).

En tout état de cause, l'offre est devenue tout bonnement pléthorique (voir section Luthiers) et on compte à présent plusieurs centaines de luthiers dignes de ce nom. D'ailleurs, aucune liste exhaustive les recensant n'existe à ce jour, celle que je propose étant à ma connaissance la plus large en la matière.

L'élargissement de l'offre a pour effet évident de générer un fort besoin de différentiation chez les luthiers. Les plus créatifs et entreprenants inventent un nouveau système qui a pour objet de révolutionner le modèle de référence (établi par Torres), puis développent leur image en enrôlant ou plus simplement s'associant à des guitaristes très en vue dans l'idée soit de laisser un nom à leur postérité ou de faire école.

Il est bien trop tôt pour deviner lesquelles de ces innovations passeront aux générations suivantes, les voies les plus prometteuses à ce stade m'apparaissent comme suit : 

  • chevalet évidé (Gilbert)
  • manche surélevé (Humphrey)
  • table amincie soutenue par un barrage dense (Smallman)
  • barrage en treillis (Smallman, Humphrey, Fischer, ...)
  • matériaux composites (Smallmann, Dammann) 
  • fond voûté (Smallman, Pappalardo)
  • tympans aux éclisses (Ruck, Hill, Thurman)

Le remplacement pur et simple du matériau capricieux qu'est le bois n'a pas à ce stade permis d'obtenir des qualités sonores adéquates. Aussi, au vu de la diversité des nouveautés proposées par la communauté des luthiers, est-il difficile d'affirmer que le changement de paradigme que certains ont tour à tour annoncé avec tant de conviction aura vraiment lieu. En revanche, les innovations "du jour" apportent chacune des améliorations intéressantes à tel ou tel aspect de l'instrument et permettent à leurs créateurs de s'exprimer avec originalité et ainsi nous émerveiller !

Et pourtant certains luthiers intuitifs et exceptionnels continuent encore à perpétuer la tradition, s'appropriant et réinterprétant à l'infini ce modèle Torres revu, corrigé, perfectionné et apparemment intemporel.

En conclusion, à l'aube du XXI° siècle, on peut affirmer que faute de preuve contraire formelle, un homme de génie a réussi il y a 150 ans à découvrir, presque instantanément et sans coup férir, la formule magique de ce bel instrument. Cette trouvaille représente une somme de détails qui mis bout à bout constituent un équilibre quasiment parfait.

Une nouvelle révolution universelle de cet instrument aura-t-elle jamais lieu ?